source:RFI
Des choses impensables auparavant. Un mur est clairement tombé, c'est ce que nous explique Saber Draouil, un jeune homme qui travaille dans un centre d'appel. Il y a un mois, il manifestait pour la chute du président : « Le premier acquis c’est la liberté, de parler sur tous les sujets… Avant la chute de Ben Ali il y a avait 10 millions de personnes qui ne parlaient que de football, c’était le seul sujet autorisé…Maintenant on parle de tout. J’ai même remarqué dans les journaux, avant sur 28 pages, il y avait 23 pages de publicité et le reste était consacré à Ben Ali et au RCD…».
On parle de tout, et on espère beaucoup aussi ! C'est d’ailleurs un festival de revendications. Un peu partout, les employés font grève, dans la police, dans les administrations, dans certains ministères, dans les hôtels. Les Tunisiens n'ont plus peur de réclamer leur droit.
Malgré les avancées, la pression de la rue se poursuit
Les Tunisiens, qui ont payé un fort prix pour ce changement, -234 personnes sont décédées c'est le dernier bilan officiel des troubles depuis le 17 décembre-, exigent plus que le seul départ de Ben Ali pour leurs martyrs.
Ils continuent donc de protester : les Tunisiens ont fait pression pour un changement de gouvernement et l'ont obtenu. Ils demandaient la dissolution de l'ex-parti au pouvoir et le RCD a été suspendu la semaine dernière. Enfin, ce week-end, ils ont obtenu la démission du ministre des Affaires étrangères.
La rue veille au nettoyage des institutions, face à des nouvelles autorités qui avancent à petit pas et semblent frileuses sur certains points. Certains observateurs s’inquiètent de ces hésitations et demandent au gouvernement d'aller plus loin comme Mouhieddine Cherbib, personnalité de la société civile : «Toutes ces mesures, que ce soit l’interdiction du RCD ou les autres, on dirait que ce n’est pas le gouvernement qui les a prises. C’est la rue qui décide ce que doit faire le gouvernent et ça c’est inquiétant... Les hommes politiques doivent devancer l’opinion et pas courir derrière ce que veut la rue…. Ce gouvernement manque de clarté. On lui demande que son action soit claire… le peuple est intelligent et ne demande pas n’importe quoi, il veut juste ce que le gouvernement est censé lui apporter…».
Où en est la situation sécuritaire ?
Le calme est précaire. Dans plusieurs régions du centre du pays, là où est née la contestation, il y une certaine méfiance entre manifestants et policiers et l'armée a dû être appelée à la rescousse.
Il y a quelques jours, la ville de Kef était encore la proie d'agitateurs, et de pilleurs. Des gens manipulés par l'ancien régime selon les autorités et les habitants. Nabil Cherni, professeur de français dans la ville de Kef, accuse le clan des Trabelsi, la belle-famille de l'ancien président : «Ce sont les Trabelsi qui sont derrière tout ça. Ils payent des petits gamins pour faire de l’agitation dans les lycées et les collèges. Personnellement je suis sûr qu’il va y avoir d’autres troubles dans d’autres villes qui dorment à l’heure qu’il est… Ces gens-là pensent qu’ils sont victimes de la révolution, ils ont perdu beaucoup d’argent, beaucoup de pouvoir. Je ne suis pas sûr qu’ils lâchent prise facilement».
Les choses avancent, mais on ne peut pas balayer 23 années d'un revers de main. Une révolution modifie évidemment de nombreux équilibres aussi est-il normal, disent donc certains Tunisiens, qu'il y ait encore de la résistance. Des Tunisiens qui espèrent cependant un retour rapide à la stabilité.