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KANLENTO-AVULETE "vaillant combattant, nous devons lutter"
12 janvier 2011

combat pour le panfricanisme

Reportages
11.01.11 Le Potentiel - Procès de l'assassinat de P.E Lumumba - Ludo De Witte : « C'est sous la responsabilité des officiers belges que P.E. Lumumba a été torturé et, finalement, exécuté »

PROPOS RECUEILLIS PAR FREDDY MULUMBA ET JOACHIM DIANA GIKUPA

KINSHASA – Le Potentiel s'est entretenu, une fois de plus, avec l'écrivain belge Ludo De Witte qui a publié aux Editions Karthala l'ouvrage « L'assassinat de Lumumba ». Ludo De Witte, un Flamand, qui a sillonné le monde. Il a eu accès aux archives. Pour le moment, de passage à Kinshasa, le Potentiel et L'Avenir se sont intéressés à lui.

Qu'est-ce qui justifie la présence, en ce moment, de Ludo De Witte à Kinshasa ? (F. Mulumba)

Je suis en RDC essentiellement pour préparer un nouveau livre. Je suis en train de préparer le complément de l'ouvrage sur l'assassinat de Lumumba. Un livre sur l'ascension de Mobutu (1964-1965) et le rôle de l'Occident dans la mise en scène de Mobutu. Pour cela, je réalise des interviews ici au pays avec des acteurs politiques qui étaient actifs à l'époque. Je suis aussi en train de tisser des liens avec le monde académique pour réfléchir à l'établissement d'un centre de recherche et de documentation sur le nationalisme congolais et africain. Auquel j'aimerais bien participer en mettant des archives à la disposition des chercheurs congolais. J'ai eu des difficultés pour chercher l'endroit où Lumumba a été exécuté. Mais, finalement, j'ai retrouvé cet endroit. Il faudrait quand même une contre-expertise avec des conclusions à la disposition des autorités congolaises.

Quand avez-vous commencé à mener ces démarches ? Et pourquoi Lumumba vous intéresse-t-il tant ? En outre, aujourd'hui, vous voulez participer à l'éclosion du nationalisme congolais au moment où, au Congo, des politiciens pensent que le nationalisme est dépassé car nous sommes dans la mondialisation. Qu'en pensez-vous ? (J. Diana)

J'ai commencé les recherches il y a 16 ans. A ce moment-là, j'avais plus d'attachement, d'intérêt pour le Congo et l'Afrique. J'ai eu la curiosité de lire un livre sur les événements de l'époque écrit par Jules Tchombé, un avocat belge, qui défendait la cause lumumbiste. Dans cet ouvrage, il essayait d'expliquer ce qui s'était passé ici. Et, à mon grand étonnement, j'ai pu constater que cet assassinat de Lumumba - un assassinat le plus important du 20ème siècle - n'était pas élucidé. Il y avait des trous énormes dans l'explication. C'est ainsi que j'ai commencé à étudier l'affaire en rassemblant les archives, surtout celles du fond bibliothécaire privé. Notamment aux Nations unies à New York pour examiner l'affaire. Et, finalement, j'ai pu avoir accès aux archives des Affaires étrangères. Ce qui m'a amené à élucider l'affaire en réfutant le fait que l'assassinat de Lumumba est une affaire des Bantous. Donc, c'est une affaire des Occidentaux qui, en collaboration avec certains Congolais, ont pu renverser le gouvernement congolais et organiser l'assassinat du Premier ministre lui-même.

Quant au nationalisme, je ne pense pas qu'il soit incompatible avec une approche avec le monde extérieur. Je crois que le nationalisme conçu par Lumumba était une tentative de mobiliser la population, d'avoir une autre organisation d'un peuple, d'inculquer et de stimuler la fierté, le dynamisme, la confiance en soi dans ce peuple. Et sur base de tout ceci, prendre en mains son propre sort. C'est l'essentiel du nationalisme de Lumumba. Il s'agit de développer le pays pour en faire un Etat-Nation intégré. Il n'est pas question seulement de construire des routes, comme à l'époque coloniale, qui servaient à transporter les richesses du pays vers le marché mondial mais développer vraiment le pays, intégrer les différentes régions et développer une sorte d'économie nationale. Cela implique, à mon avis, une certaine forme de nationalisme pour relever cette économie nationale. Mais il est clair que c'est avec des échanges avec le monde extérieur qu'il faut développer ce nationalisme. Je ne crois pas qu'il y ait contradiction. Mais si on ne développe pas ce nationalisme, si on n'a pas ce rapport des forces à l'intérieur du pays, je crois qu'on est un peu à la merci du capitalisme international. Et cela au détriment du peuple congolais.

A vous entendre parler, c'est comme si vous êtes de gauche. Est-ce que je me trompe ? (F. Mulumba)

Non. J'ai une approche progressiste. Le choix de mes recherches, c'est toujours une tentative pour élucider certaines pages noires dans l'histoire, c'est essayer d'expliquer et de mettre à nu les forces dominantes qui, en général, restent cachées, pas juste derrière les rideaux. Elles réagissent lorsqu'elles sentent que leurs enjeux stratégiques sont réellement en danger. C'est alors qu'on voit ce qu'elles sont prêtes à faire pour défendre leurs intérêts.

Et je crois que la crise congolaise en 1960 est née dès la constitution du gouvernement Lumumba. La Belgique a, alors, cru que toutes les richesses qu'elle avait acquises dans la colonie étaient en danger. Elle s'est battue bec et ongles jusqu'à planifier l'assassinat de Lumumba, un Premier ministre légalement élu.

On a  l'impression qu'il y a un règlement des comptes entre Francophones et Flamands dans la mesure où les richesses du Congo ont beaucoup plus profité aux premiers qu'aux seconds. Qu'en pensez-vous ? (F. Mulumba)

Je crois que ce n'est pas juste. Moi-même, je n'ai aucune ambition de jouer un rôle dans une politique de nationalisme flamand. D'ailleurs, il n'est pas vrai que ce sont les Wallons qui étaient dans la colonie au détriment des Flamands. Mais c'est l'élite belge, la classe dominante belge (la Société générale et les autres consortiums) qui en a profité. L'oeuvre coloniale n'était pas très populaire au sein de la population en Belgique. On avait une certaine méfiance envers ceux qui venaient exploiter les richesses du Congo. N'oubliez pas que, depuis 1960, le mouvement nationaliste prenait un essor et que le gouvernement belge était en train de se demander s'il devait intervenir militairement pour écraser ce mouvement. Un peu partout, en Belgique, il y avait des écris sur les murs tels que : « Pas un Franc, pas un soldat pour l'Union minière ». Et les syndicats belges avaient clairement dit qu'on ne pouvait pas envoyer des soldats belges intervenir au Congo.

On constate qu'après Lumumba, on a mis Laurent-Désiré Kabila pratiquement dans les mêmes conditions. Pourquoi cette constance dans les médias belges par rapport à ce qui sort du nationalisme congolais, à ceux qui cherchent avant tout le développement du Congo ? (J. Diana) Et on a l'impression que les Belges sont toujours à la base de malheurs du Congo. Vous avez dit dans votre ouvrage que ce sont les Belges qui sont à la base de l'assassinat de Lumumba. Lors de l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila, la déclaration la plus fracassante est venue de la Belgique avec Louis Michel qui, semble-t-il, a sablé le champagne. Ne peut-on pas dire que les malheurs qui arrivent au Congo proviennent notamment de l'élite belge ? (F. Mulumba)

Je ne sais pas si on a pris le champagne à l'annonce de l'assassinat de L.-D Kabila. Mais il est vrai qu'au moment où Laurent-Désiré Kabila a été assassiné, la commission d'enquête parlementaire belge sur l'assassinat de Lumumba était en cours. Donc, au même moment qu'on était en train, soi-disant, d'élucider cet assassinat, les politiciens belges accordaient aux médias des interviews dans lesquelles il était tout à fait clair qu'ils cachaient difficilement les raisons pour lesquelles Laurent-Désiré Kabila était assassiné.

Je ne crois pas que la Belgique soit une exception. Et que les Français ou les Américains soient meilleurs que la Belgique. Il faut se référer à ce qui s'est passé au Rwanda. Et le fait que la France a transféré les milices hutu qui ont commis le génocide au Rwanda et dans l'Est du Congo, où les Américains ont soutenu le Rwanda et au moment où on accepte l'agression contre le Congo, le problème n'est pas caractériel d'un peuple spécifique (les Français, les Américains ou les Belges). Mais il s'agit d'un système de domination qu'il faut qualifier d'impérialiste, c'est-à-dire qu'il est question de contrôler les richesses du pays. Et ça, c'est aussi vrai pour les Américains, les Français que pour les Belges. Je crois que dire que les richesses du Congo sont comme, pour utiliser l'expression lancée par le ministre américains des affaires étrangères, « le pétrole est un produit trop stratégique pour le laisser entre les mains des Arabes ». Les classes dominantes de l'Occident croient que ce sont des produits stratégiques qu'on ne peut pas laisser entre les mains des Congolais, des Africains. Et quand il y a des dirigeants nationalistes qui veulent vraiment prendre en mains leur propre destin et mettre à la disposition des Congolais et des Africains leurs richesses. Alors, ils réagissent. Et c'est ce qu'ils veulent éviter. C'est vrai pour ce qui s'est passé en 1960 et pour ce qui se passe aujourd'hui.

Il s'agit donc d'un système impérialiste. Mais il y a une particularité belge dans ce sens que tout en reconnaissant que la Belgique est de beaucoup dans le frein au développement du Congo. Les plus grandes critiques sur la situation actuelle du Congo viennent de la Belgique, telles que le Congo vit un désastre, etc. Alors que la Belgique a participé à ce désastre (J. Diana)

Vous faites référence, je suppose, à l'ancien ministre des Affaires étrangères, Karel De Gucht. Je partage complètement votre point de vue.

Karel De Gucht est un homme très intelligent. Il ne peut pas être aussi stupide de croire qu'en insultant un chef d'Etat étranger qu'il va changer sa politique, qu'il va se mettre à genoux devant ce ministre d'un pays européen. Vous avez raison. Ce n'est d'ailleurs pas quelque chose qui est nouveau. Je me souviens que quand Laurent-Désiré Kabila est venu au pouvoir, il a, à un certain moment, voulu instaurer une sorte de contrôle d'Etat monétaire sur le change entre le Franc congolais et les devises étrangères. Il y a eu les mêmes réactions tant en Belgique que dans toute l'Europe. Donc, une attitude impérialiste un peu généralisée par laquelle on peut exercer des pressions sur le gouvernement congolais actuel pour qu'il tienne compte de desiderata de l'Occident.

Avez-vous eu l'accès facile aux archives de l'ONU lors de vos recherches sur l'assassinat de Lumumba ? (J. Diana)

Il faut savoir que, même pour les notes académiques, les fonctionnaires de l'ONU sont très réticents en ce qui concerne les archives relatives aux pages noires de l'histoire. Je vous donne une indication très concrète. Le colonel Van De Val, un des représentants du gouvernement belge de l'époque ici au Congo, avait publié ses mémoires en 1974. Dans lesquelles il avait déjà écrit que le gouvernement belge avait un plan d'assassinat de Lumumba. En 1974, il n'y avait aucun chercheur académicien belge ou occidental qui a exploré cette information et qui a travaillé dessus. Justement, parce qu'il y avait défense de toucher à cela. En Europe, l'académicien dépend de la bonne volonté des instances politiques pour le visa, le crédit et les subsides. On a préféré ne pas toucher à cette information-là. Mais, moi, j'étais le premier à le faire. Donc, il y a un manque de volonté de la part de l'etablisment académique de toucher à cette affaire parce qu'il a les mêmes visions, objectifs que la classe dominante belge.
J'ai eu accès à ces archives parce que je travaillais déjà pendant plusieurs années sur le dossier et j'ai pu rassembler de précieux documents. J'ai alors pu discerner tous les noms, lieux et informations codés contenus dans ces documents. Des diplomates m'ont donné l'occasion de consulter ces archives.

Dernièrement, on a parlé en Belgique de la commission parlementaire sur l'assassinat de Lumumba. Le professeur Omasombo, qui est Congolais, a fait partie de cette commission. Cela a-t-il été facile pour lui ? (F. Mulumba)

C'est vrai. Mais la commission Lumumba qui resterait, après le célèbre Moke dans la publication de mon livre et, surtout, par le fait que le commissaire de police belge qui avait détruit le corps de Lumumba a montré deux dents de Lumumba qu'il a gardées chez lui comme une sorte de trophée. Cela a provoqué un tollé. C'est ainsi que le gouvernement belge, compte tenu du fait qu'il voulait jouer un rôle en Afrique centrale où il y avait un gouvernement dirigé par Laurent-Désiré Kabila qui se déclarait nationaliste lumumbiste, a cru qu'on devait réagir à ces allégations. C'est pour cela qu'il a institué cette commission. Lorsqu'on a pris cette décision, j'ai pensé y inclure des historiens et des chercheurs congolais dans les travaux de la commission parce que, somme toute, c'est l'histoire du Congo. Finalement, on cherché et trouvé un compromis. On a donc inclus le professeur Omasombo dans la commission, mais comme expert. Il y avait également quatre experts belges qui avaient travaillé sur les archives. Le professeur Omasombo a pu faire l'expérience pour conclure dans quelle mesure l'esprit colonialiste régnait encore en Belgique. Et il s'est vraiment senti nègre dans la commission.

Vous avez écrit un livre qui a provoqué un tollé général. Et il y a eu cette enquête parlementaire belge. Et le jour de la vérité, la Belgique a pratiquement reconnu sa responsabilité dans cet assassinat. Que peut-on attendre de la suite ? (J. Diana)

On a reconnu une certaine responsabilité morale très vague. On n'a pas indiqué les responsabilités des individus dans cette affaire. C'était la tâche de la commission comme cela a été décrit dans la loi qui a instauré cette commission. Je crois que la raison est assez simple : étant entendu l'assassinat de Lumumba, la dictature aveuglante de Mobutu et l'installation des dictatures ont eu des effets désastreux sur tout le continent. On veut surtout éviter qu'il y ait des règlements de compte avec cette histoire de justice et débordement de certaines réparations.
C'est pour cela qu'on a tiré des conclusions extrêmement vagues. Les autres conclusions concrètes de la commission, notamment l'instauration d'un Fonds Lumumba par lequel on allait subventionner des initiatives pour stimuler la démocratie au Congo. Tout cela n'a pas été fait non plus. En fait, la commission est restée lettre morte. C'est pour réagir à cela que, justement, la famille Lumumba a décidé de déposer, en janvier2011, des plaintes devant le Tribunal à Bruxelles contre des Belges impliqués dans l'assassinat de Lumumba et contre l'Etat belge.

Il n'y a pas que des Belges qui sont responsables. En lisant votre ouvrage, on se rend compte que les Américains ont décidé et les Belges ont exécuté. Aujourd'hui, on voudrait savoir exactement qui a tué Lumumba ? (F. Mulumba)

Fin de l'année 60, Lumumba était enfermé dans une cellule de Mobutu. Les Belges et les Américains ainsi que leurs collaborateurs au Congo comme les Mobutu et les autres ont cru que le problème était résolu. On a cru que Lumumba enfermé, la situation était contrôlée. Comme on connaissait mal la population congolaise, à partir de l'Est, il y a eu tentative de reconquête du pays par les partisans de Lumumba. Dans l'espace de deux semaines et demie, ces derniers ont pu conquérir 40% du territoire national. Et même dans le campement où Lumumba était enfermé, il y avait le début d'une mutinerie. Une des exigences des soldats était la libération de Lumumba. Alors, aussi à Washington qu'à Bruxelles, on a pris panique. Les Américains avaient retiré le tueur qu'ils avaient envoyé pour assassiner Lumumba. Comme l'a signalé le Département d'Etat à Washington, le gouvernement belge voulait absolument éviter que Lumumba sera libéré et reviendra sur la scène politique. Les gens qui avaient la capacité organisationnelle ont décidé de transférer Lumumba vers un sous-traitant qui pouvait faire le sale boulot : le Kasaï ou le Katanga. Il a été transféré au Katanga dans un avion belge. Ce sont des officiers belges qui l'ont pris en chasse depuis sa descente d'avion à Lubumbashi. C'est sous leur responsabilité qu'il a été torturé et, finalement, exécuté.

Pouvez-vous nous dire quelque chose sur ce procès qui débute en janvier 2011 ? (F. Mulumba)

Je ne peux pas vous le dire. En fait, on m'a demandé de conseiller le team d'avocats qui ont introduit la plainte. C'est à eux d'en parler. La seule chose que je peux dire, c'est qu'on va déposer plainte contre une dizaine de Belges sur base d'une loi qui a été traitée en Belgique par laquelle le droit humanitaire international est intégré dans la Cour pénale belge. Par cette loi, il est décidé que les infractions du droit international en temps de guerre n'ont pas de prescription. Même des événements qui se sont déroulés il y a 50 ans restent toujours punissables aujourd'hui. A l'époque, on a transféré un prisonnier politique Lumumba du Bas-Congo vers le Katanga qui était une infraction à cette loi. Il était assez clair que ces actes sont punissables selon la loi belge actuelle. Cette loi qui, jusque maintenant, n'est utilisée que contre des Africains. Sur base de cette loi, on a condamné et jugé quelques Rwandais impliqués dans le génocide de 1994.

On a l'impression que lorsqu'un Congolais essaie de relever la tête pour dire non aux impérialistes, il est assassiné. En tant que intellectuel de gauche, quels conseils pouvez-vous donner aux Congolais pour éviter que l'histoire ne se répète ? (F. Mulumba)

Pendant les dernières 50 années, le Congo a eu deux chances pour sortir de l'impasse et faire des pas en avant. C'était avec Lumumba et Laurent-Désiré Kabila, tous deux assassinés. Je crois que c'est très important de ne pas se décourager. La relation la plus fondamentale est qu'il faudrait entreprendre un programme et une action nationalistes. Mais, pour avancer dans cette direction, il faut construire un rapport des forces. Il ne faut pas seulement agir sur base d'un politicien - bien qu'il soit charismatique - mais il faut construire un rapport des forces avec les leaders de la société, mobiliser la population, élaborer une direction politique collectivisée où les dirigeants sont en quelque sorte remplaçables. Je crois que c'est important. Il faut construire progressivement ce rapport des forces, pas à pas et non sauter des ponts en brûlant les étapes.

Le gouvernement congolais voudrait que l'expérience chinoise serve au pays. Comment perçoit-on dans les milieux belges la présence des Chinois en RDC, alors que ceux-ci ne sont pas qu'au Congo ? Avec leur arrivée, on a commencé à dire que Joseph Kabila devient incontrôlable (J. Diana)

En ce qui concerne les contrats chinois, la réaction en Occident est compréhensible. Du point de vue des Occidentaux, les Chinois sont un concurrent de plus pour les matières premières stratégiques. Ce n'est pas ce qui doit nous préoccuper. Au contraire, la préoccupation est de savoir dans quelle mesure ces contrats, non seulement avec les Chinois mais aussi avec des sociétés occidentales, sont à l'avantage du peuple congolais. J'ai, un peu partout en RDC, demandé aux Congolais ce qu'ils pensent de tous ces contrats, de leur contenu. Ils ne le savent pas. Je crois que c'est important qu'on connaisse le contenu de tous ces contrats pour voir si cela apporte quelque chose au peuple congolais à long terme. C'est bien qu'on construise des routes, des hôpitaux, etc. J'espère que, dans ces contrats, on a prévu aussi, par exemple, la construction d'une industrie nationale locale. Il ne suffit pas seulement de construire une infrastructure mais qu'on ait également ici un secteur secondaire où on va traiter les matières premières, comme début du développement d'une économie nationale. Je crois que c'est important à la longue pour le Congo.

Question d'actualité. Le Congo a connu l'agression ougando-rwando-burundaise soutenue par les multinationales anglo-saxonnes. Parlons de cette période où l'on veut couper le Kivu du Congo comme on le voulait pour le Katanga avec la sécession katangaise ? C'est comme si l'histoire se répète ? (F. Mulumba)

Je n'ai vraiment pas étudié cette question. Mais je ne crois pas qu'on essaie de détacher le Kivu du pays pour déstabiliser le gouvernement actuel du Congo. Au contraire, maintenant, les Américains commencent doucement à réagir en exerçant des pressions sur le Rwanda pour limiter ses interventions et garder intactes les frontières du Congo. Je ne crois pas que le démembrement de l'Etat congolais soit dans l'agenda à Washington, Paris ou Bruxelles.

D'après certaines informations, il y avait un agenda sur la balkanisation du pays ? Mais cela semble voué à l'échec parce que la population a résisté. Il y a eu plus de 5 millions de morts. C'est ainsi que les Américains et les autres se sont ravisés (F. Mulumba)

C'est bien possible que cette idée ait germé dans le chef de certains dirigeants. Je crois que l'un des aspects positifs de ces dernières 15 années, c'est le fait qu'il s'est forgé chez le peuple congolais le sens d'unité nationale, une certaine nationalité congolaise. C'est ainsi que la population a effectivement résisté à ces interventions étrangères. C'est un élément positif qui peut devenir justement un tremplin pour avancer cette perspective nationaliste pour lequel Lumumba s'est battu.

Avez-vous un message au peuple congolais ? (J. Diana)

Ce qui est important, c'est de développer une méfiance saine envers tous les pouvoirs occidentaux, y compris les Nations unies. Celles-ci qui se présentent comme une institution supra étatique qui est régie non par des intérêts d'Etats mesquins mais par des valeurs comme les droits de l'Homme, la paix, etc. C'est faux car c'est clairement démontré, en 1960-1961, que les Nations unies sont un rapport des forces. A l'intérieur de cet organisme, ce sont les plus forts, donc, les impérialismes les plus forts qui dominent et utilisent les Nations unies comme un instrument. Je pense que développer cette méfiance envers les pouvoirs occidentaux serait un objectif pour construire un rapport des forces avec eux. Je crois que c'est la plus importante tâche pour le peuple et les dirigeants qui veulent préserver les intérêts du peuple congolais.

© Le Potentiel, 11.01.11

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